Au milieu des années 1950, la scène musicale camerounaise a déjà ses tubes et ses stars. Certaines vedettes ont été forgées à l’étranger comme Emmanuel Nelle Eyoum, d’autres sur la place locale comme Cheramy de la Capitale, Ebanda Manfred ou Jean Bikoko « Aladin ». Jusqu’à la fin de la décennie 1960, l’influence des musiques afro-caribéennes (Salsa et Rumba notamment) reste forte comme l’atteste l’émergence du phénomène Tchana Pierre qui enregistre "Il n'est jamais trop tard" au Bénin. La cadence s’accélère dans les années 1970, lorsque la dynamique de valorisation des rythmes du terroir permet la percée des œuvres camerounaises à l’international : « Soul Makossa » (Manu Dibango), « Je vais à Yaoundé » (Les Black Styl) ... Le mouvement infiltre les studios d’enregistrement parisiens et laisse éclore une colonie de virtuoses (l’Équipe nationale du Makossa) qui va accentuer l’hégémonie de ce courant musical dans les années 1980, tout en révélant la richesse artistique du pays joliment condensée dans le projet "Fleurs Musicales du Cameroun". Mais la crise économique et les mutations technologiques (apparition du CD) laissent bientôt planer le spectre de la piraterie. Au seuil des années 1990, la machine conquérante s’enraye. La défiance rendant suspecte la montée en puissance d’un Bikutsi aux accents grivois (« Long Courrier » de Mbarga Soukouss, « Ascenseur » de K-Tino) ou taxé de collusion avec le pouvoir Beti. Les producteurs se raréfient férocement et les succès de Sally Nyolo (1996), Richard Bona (1999), Yannick Noah (2000), tous expatriés, symbolisent le basculement dans un millénaire que les jeunes générations entament en misant sur les musiques dites urbaines, dopées par le triomphe du numérique.